dimanche, avril 03, 2016

Le Québec à l’heure des comptes / La vallée des hommes châtrés (1ère partie de 2)

GRAPHIQUE 1 
Il faut voir les faits simplement pour ce qu’ils sont. En 1971, à l’époque où s’implanta la liberté de se faire avorter au Québec, 1,275 femmes avaient subi une interruption volontaire de grossesse. Depuis le jugement de la Cour suprême du Canada légalisant l’avortement, en 1988, le nombre d’IVG a poursuivi sa remontée pour atteindre un sommet, en 2004, avec 29,460 IVG, une saignée mortelle pour un pays ne comptant alors (en 1988) que 6,8 millions d’habitants. Pour combler ce manque à gagner, il nous a donc fallu miser sur l’immigration, et plus spécifiquement sur les mères nées à l’étranger qui, aujourd’hui, représentent plus du quart des femmes enceintes au Québec. À Montréal où se concentre plus de la moitié de la population du Québec, la proportion des femmes enceintes nées à l’étranger dépasse les 55%, un pourcentage qui s’accentue d’année en année. Ces chiffres appliqués au graphique donnent donc un portrait fidèle de l’état présent du Québec et indiquent ce qu’il est appelé à devenir d’ici vingt ans ! Question : Comment se fait-il qu’aucun gouvernement, qu’aucun parti siégeant à l’Assemblée nationale depuis 1970 n’ait pris en compte, dans leurs programmes et dans leurs discours, cette catastrophe pourtant annoncée par les chercheurs les plus délurés ? Où étaient-ils ces élus et ces professionnels sur lesquels reposaient notre destinée, pendant que nous les implorions, dans « Le Pays trahi », de prendre leurs responsabilités et d’agir en conséquence ? Où ? En train de compter le sexe des anges ?!

Le féminisme, la protection des femmes et des enfants
et le faux débat sur l’enregistrement des armes à feu

Le 8 mars dernier, Journée internationale du droit des femmes, dans un pamphlet collectif qui ne fait pas de quartier sur l’emploi des épithètes, les représentantes de 21 groupements féministes ont encore pris les médias sociaux à témoins pour réitérer leur appui indéfectible au projet de loi 64 (« Loi sur l’immatriculation des armes à feu »). Quand ces femmes parlent, ainsi regroupées sous l’étendard de la vertu, le tout Québec s’écrase ! Dans leur credo, elles ont tenu à rappeler aux élus sur lesquels elles impriment un pouvoir quasi absolu, « que le contrôle des armes, et leur enregistrement en particulier, sont d’une importance cruciale pour la sécurité des femmes et des enfants ». Soucieuse de ne pas voir leur croisade associée à de la misandrie, elles ont pris bien soin de préciser au passage que « l’objectif n’est pas d’empêcher les chasseurs de chasser, mais plutôt de prévenir l’utilisation des armes à feu dites récréatives à des fins de destruction de la vie des conjointes et de leurs enfants »[i].

L’attaque est frontale ! Encore une fois, la vision que ces groupements féministes nous présentent sur l’état passé, présent et futur du Québec, est manichéenne : d’une part, il y a les bons, qui sont évidemment les femmes et les enfants ; d’autre part, les méchants, qui ne peuvent être que les hommes…

Nul besoin d’en faire la preuve, le fait est établi de longue date, le mouvement féministe québécois est le plus puissant mouvement socio-politique des cinquante dernières années au Canada. Il est né de la Révolution tranquille (1962-1966) et s’est construit sur la base de l’éclatement des valeurs morales consécutives à la fin du Concile Vatican II (1962-1965), de la dislocation du noyau familial et de la disparition de la société canadienne-française au profit de la nation « civique » québécoise. De là est née une nation aujourd’hui totalement désincarnée, multiethnique, multiculturelle, multiconfessionnelle, multilinguistique et concentrée à près de 60% à Montréal. Une nation en perte de ses mythes fondateurs et de ses points de repère, où le simple fait de s’identifier Canadien français est subitement devenu suspect et synonyme d’archaïsme, de racisme et d’esprit rétrograde. Une nation d’un genre inédit, stérilisée sur les plans démographique, sociologique, identitaire et culturel (voir les chiffres du tableau publié en 2015 par l’ISQ[ii]). Une nation qui s’éteint dans la marée montante et la mémoire des nouveaux arrivants qu’on s’arrache, comme des guenilloux d’une ville à l’autre, pour combler le vide laissé par les enfants du docteur Henry Morgentaler (comme dirait l’autre, 803,846 avortements en quarante ans, ça fait tout un vide dans une province qui en comptait, en 2015, un peu plus de huit millions !).

Ça c’est passé exactement comme l’avait si bien annoncé la chanteuse montréalaise de réputation internationale, Renée Claude, une féministe de la première heure. C’était au tournant des années 1970 ! On entamait la construction du deuxième étage de la tour de Babel érigée sur les reliefs d’Expo 67. Rappelons-nous simplement ces mots sortis de l’encrier du compositeur Stéphane Venne : « C’est le début d’un temps nouveau, la Terre est à l’année zéro, la moitié des gens n’ont pas trente ans, les femmes font l’amour librement, les hommes ne travaillent presque plus, le bonheur est la seule vertu ». Un appel rassembleur et lourd de sens, suivi du slogan féministe qui a fait la une des journaux jusqu’à ce que tranche la Cour suprême du Canada, en 1988 : « Mon corps m’appartient, j’en fais ce que je veux ! » Après nous le Déluge, et on s’en fout !

À leur manière, ces femmes se sont emparées des leviers et des rouages de la Révolution (« tranquille » mon œil !) et, pour y arriver, elles se sont substituées au message qui s’est imposé comme le leitmotiv de tous les changements. Par le biais des nouveaux ministères de l’Éducation (1964), des Services sociaux (1970), de la Sécurité du Revenu (1981) et de la Santé (1985), elles ont alors envahi, graduellement et sans partage avec les hommes (déclassés au nom de la discrimination positive en faveur des femmes), le milieu de l’emploi qui représente aujourd’hui les trois quarts des « dépenses de programmes »[iii] du gouvernement du Québec. À partir de cette force –aujourd’hui réactionnaire–, elles ont pris le contrôle du gouvernement et envahi le milieu de l’emploi traditionnellement réservé aux hommes sans que l’inverse soit possible ; elles ont dicté les règles de la nouvelle morale féministe et imposé leur loi au nom de la liberté, de la vertu et du principe de l’égalité des sexes, un principe galvaudé qu’elles confondent dans ce qu’elles croient être un juste retour de l’histoire.

Cela dit, dans vingt ans d'ici, le mouvement féministe québécois qui contrôle tous les gouvernements qui se sont succédés depuis le premier avènement du PQ, sera éteint. Il est déjà agonisant, mais elles ne le savent pas encore. Et les enfants des Québécoises de souche qui auront survécu à l'hécatombe des avortements seront alors minoritaires parmi les enfants des arrivants. La vraie tuerie, le vrai drame qu'on tente de nous cacher dans le faux débat du projet de loi 64, il est là ! Car une moyenne dépassant 27,000 avortements annuellement enregistrés dans les hôpitaux du Québec depuis 1988 (cf., ISQ[iv]), c’est infiniment plus que les quelque 1 300 décès par balles enregistrés annuellement dans tout le Canada depuis le dernier quart de siècle, accidents, homicides et suicides confondus (cf., GRC[v]). Pour le cour de morale 101 consacré à la vie humaine et à la « sécurité des enfants » inséré dans le préambule de la future « loi sur l’immatriculation des armes à feu », il vous faudra donc repasser mesdames du G 13, car je ne connais aucune société, dans l’histoire de l’humanité, qui se soit appliquée avec un tel soin pour faire disparaître à tout jamais les enfants de sa propre survie…

Russel-Aurore Bouchard
Historienne
Chicoutimi

(Demain, la 2e partie de 2)


[i] « Droit des femmes, violence et armes à feu : un cocktail explosif », 8 mars 2016, Les Groupes et regroupements membres du G 13.
[ii] Au 803,846 avortements pratiqués dans les hôpitaux du Québec entre 1971 et 2011, il faut ajouter la perte démographique découlant des 622,457 hystérectomies, des 623,315 ligatures et des 592,734 vasectomies. Cf., ISQ, « Interruptions volontaires de grossesse (nombre, rapport pour 100 naissances et taux pour 1 000 femmes), hystérectomies, ligatures, vasectomies, réanastomoses et vasovasostomies, Québec, 1971-2014 ». Les données actuelles, en date de 2015, ajoutent d’ailleurs 75,777 interruptions de grossesses volontaires (IGV) pour les seules années 2012, 2013, 2014, ce qui reporte le tout à un total de 880,623 IGV en 43 ans.
[iii] Dépenses de programmes : il s’agit, en fait, des dépenses totales du gouvernement du Québec moins le service de la dette.
[iv] ISQ, « Interruptions volontaires de grossesse… », op. cit.
[v] « Armes à feu, décès accidentels, suicides et crimes violents : recherche bibliographique concernant surtout le Canada », Ministère de la Justice du Canada, Ottawa, dernier ajustement 2015. Voir à ce propos le chapitre titré «3. Décès et blessures causés par des armes à feu – vue d’ensemble ».