Les délires d'Akakia

dimanche, janvier 24, 2016

Loi sur l’immatriculation des armes à feu : Un «droit» inaliénable réduit à la condition de «privilège»



Notre époque est une époque violente. Et même si les armes à feu sont largement utilisées aux États-Unis qui dominent dans le triste record des tueries de masse, cette sorte de drames peut arriver partout sur la planète et de toutes les manières possibles. Les faits parlent d’eux-mêmes. La liste est déjà trop longue et rien n’indique que ce triste épisode de l’histoire moderne tire à sa fin.

Au Québec, en dépit du drame de la Polytechnique perpétré voilà maintenant 26 ans, le bon peuple a encore accès aux armes à feu. Bien que les représentants de l'Association des policiers du Québec continuent d’instrumentaliser cette horrible tragédie pour gruger dans nos libertés au nom de la sécurité publique, il faut cependant préciser que cette accessibilité s’est réduite comme une peau de chagrin depuis le vote de la loi C-51 (en 1977) qui a obligé la détention d’un permis d’acquisition pour toutes les classes d’armes à feu (AAAF). Le précédant étant créé, d’année en année et à la faveur de la passivité citoyenne, les lois et les interdits se sont progressivement resserrés, le nombre de permis obligatoires a été abusivement multiplié par trois puis par quatre jusqu’à ce que le gouvernement fédéral instaure, en surprime, un registre officiel pour les simples armes à feu d’épaule (en 1995) et qu’il en confie l’administration sous la responsabilité exclusive de la GRC (en 2006).

À cet égard, le discours est devenu récurrent ! De 1977 à 2016, la tangente législative indique du reste parfaitement bien l’issue finale de cette déchéance graduelle des droits et libertés ! Pour les représentants des différents corps policiers qui interviennent publiquement au nom de leurs milliers de membres et pour les deux paliers de gouvernements supérieurs qui perçoivent le peuple comme une menace potentielle, les armes à feu sont des boucs émissaires parfaits. Pour ces officiers de justice et pour le Législateur qui parlent désormais d'une seule voix, elles sont la cause plutôt qu’un moyen parmi tant d’autres.

Dans cet interminable épisode de lois de plus en plus restrictives imposées aux détenteurs d’armes à feu par le Parlement fédéral, le seul et court répit est venu avec la loi de 2012, votée par le gouvernement Conservateur de Stephen Harper, pour détruire l’inefficace, contraignant, inutile et onéreux registre des armes d’épaule. Ce qui fut fait subito presto à la grandeur du pays… sauf, évidemment, pour le Québec qui, sous prétexte d’être une société distincte lavant son linge sale plus blanc que blanc, a exigé la récupération de sa portion du registre pour lui redonner vie. Et c’est ce qui nous amène au projet de loi 64, déposé dernièrement par le gouvernement libéral de Philippe Couillard, qui a entrepris, encore une fois, de faire passer les propriétaires d’armes à feu comme des arriérés et des criminels potentiels, de nier leurs coutumes ancestrales à cet égard et de les mettre en rupture de ban avec leur propre Parlement.

Cette manière de faire typiquement québécoise est non seulement injuste par rapport au reste du Canada, humiliante et contre-productive ; elle va également dans le sens contraire de l’histoire de ce pays qui, à compter du milieu du XVIIe siècle, obligeait tous les habitants de la colonie à se déplacer et à porter « sur soy », en tous temps, leurs fusils et suffisamment de munitions pour se défendre du péril iroquois. Avec le Parti libéral au pouvoir, tant à Québec qu’à Ottawa, tout indique aujourd’hui que, s’ils ne veillent au grain, les propriétaires d’armes à feu verront leurs Parlements élargir encore le fossé qui les éloigne de plus en plus de leurs racines, de leur histoire héroïque et de la liberté de leurs pères et mères.

Comment pourrions-nous le voir autrement quand, dans le discours officiel ratiociné conjointement dans les bureaux de la rue Parthenais à Montréal et au Parlement de Québec, ce qui était historiquement un « DROIT » inaliénable, est subitement devenu un simple « PRIVILÈGE » accordé au terme d’une course à obstacles de plus en plus difficiles à surmonter ? Et comment pourrions-nous ne pas nous en inquiéter quand le président de l’Association des policiers provinciaux sort de son devoir de réserve pour sermoner publiquement les députés dissidents du Québec en leur disant qu’ « il va falloir [qu’ils] comprennent que le projet de loi vise à servir 8 millions de personnes au Québec, pas 17 000 chasseurs »* (sic), et que le premier ministre lui répond directement de Davos par journaux interposés** pour le rassurer et lui répéter qu’il y aura un registre, peu importe ce qu’en pensent les populations des régions du Québec (en dehors de Montréal) qu’il humilie et réduit à une portion méprisable de quelques chasseurs (sic)… 

Akakia


*Martin Croteau, « Registre des armes d’épaule : la résistance de certains députés suscite l’inquiétude », in La Presse, 15 janvier 2016.
**eneviève Lajoie et Marc-André Gagnon, « Registre des armes à feu : Couillard inébranlable », in Le Journal de Montréal, 21 janvier 2016.
Akakia

dimanche, janvier 17, 2016

Registre des armes à feu au Québec : la démocratie bafouée par la présence policière dans le débat

C'était le 3e décembre 2015, quand le ministre de la Sécurité publique, M. Pierre Moreau, a présenté le projet de loi 64, flanqué des principaux porte-paroles du mouvement anti-armes à feu, notamment figurés par les victimes et témoins de la tragédie de l'École Polytechnique. Où sont représentées les régions réfractaires au registre ? les chasseurs ? les collectionneurs ? les propriétaires légitimes d'armes à feu ? Nulle part ! Sur la photo, ne manquent plus que Pierre Veilleux, président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, le directeur de la SQ et le chef de la Police de Montréal, qui sont les conseillers du ministre dans ce projet de loi !...

Sous la plume de Martin Croteau en date du 15 janvier 2016, la presse écrite et parlée du tout Québec nous informe que le policier Pierre Veilleux, président de l'Association des policiers provinciaux (APPQ), « s'inquiète » et « s'étonne » du fait que des députés des différents partis politique aient pris leurs distances avec le projet de loi 64 sur la création d'un nouveau registre québécois des armes à feu. Ce qui m'étonne, moi, c'est que M. Veilleux, qui devrait respecter son devoir de réserve quand il est question de politique, prenne ainsi la parole à tous les micros pour admonester les élus qui ne voient pas les choses comme lui et pour leur indiquer la voie à suivre.

Vous avez là le plus bel exemple d'un dérapage de la démocratie au Québec sous le gouvernement du Parti libéral de Philippe Couillard qui utilise la Sûreté du Québec pour faire avancer certains de ses dossiers politiques.

Jusqu'à preuve du contraire, la démocratie parlementaire, au Canada et au Québec, comme toutes les démocraties parlementaires à travers le monde du reste, est basée sur deux principes fondamentaux : primo, la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ; secundo, le débat parlementaire. Dans le premier cas, il s'agit évidemment de faire en sorte que le système judiciaire et la police, qui est son bras armé, soient totalement absents de l'arène politique ; et, dans le second cas, que le politique ne puisse s'ingérer dans les affaires de justice et de police afin que le débat ne soit ni induit, ni manipulé, ni détourné de son sens.

Or, ce que nous dit le policier Veilleux, c'est que la fraternité des policiers du Québec s'ingère, contre nature, dans le politique, que le gouvernement de M. Couillard a construit son projet de loi sous la pression des chefs de police de la région de Montréal et de la Sûreté du Québec qui se fichent éperdument des dissidence régionales, et que tout ce beau monde est appuyé par les adeptes du mouvement anti-armes à feu, dont les victimes du drame de Polytechnique. Dans un cas comme dans l'autre, la démocratie est foulée au pied, la police écrit des projets de loi contraignants qui empoisonne le débat démocratique et instrumentalise le drame de la Polytechnique pour marquer des points, et le gouvernement parle de consensus alors qu'il n'a même pas consulté ceux et celles qui ne partagent pas ses vues.

Dans cette dérive politique propre au Québec, je vous dirai simplement que si le policier Veilleux veut prendre publiquement position et faire valoir son point de vue dans le projet de loi 64, qu'il démissionne de la police et qu'il brigue les suffrages dans un comté politique à titre de candidat. Et, dans un second temps, j'ajouterai que si M. Couillard veut réellement améliorer la sécurité en matière d'armes à feu au Québec, qu'il s'organise pour que les propriétaires d'armes à feu fassent partie de la solution au lieu de les présenter comme la source du problème alors qu'ils ont toujours eu un comportement irréprochable en matière de possession et d'utilisation des armes à feu...

Akakia