jeudi, septembre 13, 2012

« CHICOUTIMI », un guide d'interprétation patrimonial qui montre à quel point Saguenay n'est plus dans le coup en telle matière


Publié le 02 septembre 2012 à 07h00
Publié dans le Progrès-Dimanche

Quand le guide devient patrimonial
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Le Quotidien

Tous les anniversaires ne sont pas source de fierté, comme le démontrent les 20 ans du guide patrimonial de la ville de Chicoutimi. Cet ouvrage de 66 pages avait été écrit par l'historien Russel Bouchard à la demande des autorités municipales de l'époque. Sa publication avait coïncidé avec les fêtes marquant les 150 ans de l'arrivée de Peter McLeod dans le secteur de la rivière du Moulin.
Le petit livre comporte une chronologie bien faite, mais qui a le défaut d'arrêter à l'année 1989. On remarque également les nombreuses photographies en noir et blanc qui illustrent les circuits proposés par l'auteur (précisons qu'en ce temps-là, nul n'aurait eu la témérité de parler de Russel au féminin, à moins d'entretenir le désir secret de porter un plâtre). Celui-ci avait eu la bonne idée de montrer des bâtiments qui n'existaient plus, témoins muets de notre insouciance collective.
Le guide a été disponible pendant plusieurs années, jusqu'au moment où il est devenu un objet de collection. Pour le trouver, de nos jours, il faut fréquenter une librairie usagée et avoir beaucoup de chance. Preuve qu'il a conservé sa pertinence, l'auteur de ces lignes, qui conserve jalousement son exemplaire, l'utilise fréquemment dans le cadre de ses fonctions.
Parle-t-on du poste de traite, d'un possible aménagement de ce lieu sacré? Un coup d'oeil à la page 10 permet de voir deux des églises qui y ont été construites à partir de 1676. Est-il question de la Pulperie? La page 14 évoque la saga de Dubuc, les grandeurs et misères de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi, en des termes accessibles. Tout ce qu'on risque en lisant ce texte, c'est de développer un goût pour l'histoire de la région.
Pourquoi parler de ce guide? Parce qu'il a 20 ans, justement, et qu'aucun document ne l'a remplacé. Depuis ce temps, Chicoutimi est disparue, le nom comme l'entité administrative. Elle s'est fondue dans le grand tout que représente Saguenay. Sans vouloir rallumer la controverse sur le nom de la ville, on peut déplorer la quasi-disparition de l'ouvrage et surtout, l'absence d'une version actualisée.
Il ne serait même pas nécessaire de faire table rase. Si on demandait à Russel Bouchard d'adapter son texte aux nouvelles circonstances, d'autres générations de citoyens et de visiteurs pourraient apprécier ce que fut Chicoutimi et ce qui reste de son patrimoine. Ainsi, on ne lirait plus que la maison du peintre Arthur Villeneuve se trouve au 669 rue Taché, mais bien à la Pulperie. On saurait aussi quel sort a été réservé à la maison Lévesque, jadis établie au 320 rue Racine est.
Bien sûr, il n'est pas agréable de se souvenir que la communauté a perdu tel ou tel bâtiment. À chaque fois, on ressent un pincement au coeur, mais cette douleur appréhendée ne doit pas constituer un argument en faveur de l'amnésie collective. L'administration du maire Ulric Blackburn, qui avait pourtant quelques démolitions sur la conscience (ne pensons qu'à celle du théâtre Capitol, en 1991), a quand même autorisé Russel Bouchard à brosser un tableau honnête de la situation.
Pourquoi craindrait-on de répéter l'exercice aujourd'hui? Pas peur d'avoir peur? Parce que l'ignorance a meilleur goût? Pour laisser les coudées franches à d'autres promoteurs que l'appât du gain rendrait imperméables à la notion de bien public? Ou, plus simplement, par négligence crasse? Peut-être sortira-t-on un lapin du chapeau en 2013, l'année des 175 ans de la région et, accessoirement, des élections municipales. Tant mieux si tel est le cas, mais ne rêvons pas trop fort.