Les délires d'Akakia

jeudi, juillet 19, 2012

« N'importe qui mais pas Chicoutimi ! »

Photo, Chicoutimi, le coin des calèches, en haut de la rue Racine, vers 1910.

« N'importe qui mais pas Chicoutimi ! »

  • (Lettre ouverte en réponse à l'éditorial de Denis Bouchard, publié dans le journal « Le Quotidien » du 18 juillet 2012. Pour la lecture de cet éditorial, voir l'intégrale à la fin de ce commentaire.

Mon cher Denis,

Voilà un éditorial qui prend le risque de nous ramener au milieu de la marre dans laquelle est engluée l'ex-ville de Chicoutimi, la laissée pour compte, la méprisée de la fusion, la Cendrillon aux grands pieds de Ville Saguenay, celle qui se tape le sale boulot et qui n'a pas de quoi s'habiller proprement. Il suffit de voir avec quelle indifférence on laisse se déglinguer le patrimoine architectural du centre ville de Chicoutimi, et il suffit d'apprécier l'abandon des monuments anciens qui s'y trouvent encore bien malgré eux, pour comprendre à quel point les Chicoutimiens sont sortis radicalement appauvris de cet exercice qui, dans le discours officiel mené par Québec, devait être la panacée à tous nos maux.

Votre papier en fait l'éloge à mots soupesés  ! Avec la fusion, cet esprit de clocher, qu'on a tant et tant dénoncé pour justifier en haut lieu le regroupement municipal au Saguenay, n'a pas été réglé pour autant au terme d'une cohabitation de dix ans. Cela était écrit et je ne me suis pas privée de le redire dans les livres que j'ai consacrés à l'histoire de ces municipalités ; cet esprit territorial, qui était en fait l'expression d'une lutte pour l'excellence, s'est transmuté en une guerre larvée qui a permis –et permet toujours aux municipalités voisines– de faire un pied-de-nez infantilisant à l'Histoire qui s'écrit avec un grand « H » et de miner la capacité des Chicoutimiens de tirer leur épingle du jeu dans ce salmigondis de la fusion de 2002.

Pour peu qu'on leur donne la chance, ces ex-villes, qui tirent aujourd'hui les marrons du feu dans le partage des pouvoirs et des deniers publics à Saguenay (n'ayons pas peur de nommer Jonquière et La Baie) ; pour peu qu'on le leur permette dis-je bien, ces soeurs jalouses auront tôt fait d'obtenir le déménagement des institutions régionales de Chicoutimi vers la périphérie. Peu importe que cette sorte d'exercice d'automutilation collective nuise à notre ensemble ; pourvu, aux yeux de ces ex-villes, que Chicoutimi en souffre !  « N'importe qui, mais pas Elle », me disent encore certains interlocuteurs qui ont tout fait pour piétiner leur propre mémoire en écartant son nom mythique du répertoire toponymique national.

Voilà une manière de faire qui n'a pourtant rien d'enrichissant. Une manière de penser et de faire de la petite politique de secteurs qui asphyxie le poumon identitaire des régionaux, une manière qui ramollie les ressorts d'intervention économique des ex-constituantes de Ville Saguenay et qui nous ramène à la case départ en terme d'entraide communautaire et de bonne entente.
Akakia

Mieux construire 


Denis Bouchard
Le Quotidien, 18 juillet 2012
Même si les enjeux sont sérieux, la primeur de la dernière édition de Progrès-Dimanche recèle quelque chose de très ironique. Un projet immobilier dans le coeur commercial de la région, qui se porte mal, et un autre dans un secteur dont les belles années sont passées, qui a le vent dans les voiles.

Les comparaisons s'arrêtent ici parce que le boulevard Talbot, à Chicoutimi, exerce toujours un pouvoir d'attraction extraordinaire sur le commerce, tandis que les affaires sont plus compliquées au centre-ville, en dépit des immenses efforts d'acteurs du secteur. Toutefois, l'image présentée par la journaliste Patricia Rainville invite à la réflexion et à tirer des leçons du passé.

D'abord, la situation: l'ancien hôtel des Gouverneurs, jadis vigoureux sur Talbot, n'en finit plus d'être relancé, au point où le bâtiment est délabré. Pourtant, il s'agit de l'épicentre du commerce au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il suffirait une seule pancarte «à vendre» pour trouver une solution. En opposition, au centre-ville de l'arrondissement de Chicoutimi, sur les lieux mêmes qui symbolisent cet exode vers le haut de la ville, des investisseurs, avec à leur tête le docteur Sylvain Simard, lancent un projet immobilier, voisin de la méga-clinique médicale en voie d'être achevée.

Vocation

Il faut accueillir avec applaudissements les investissements du privé dans le «bas de la Racine», soutenus par Saguenay, qui fera aussi sa part. Notamment, le projet de la Place du citoyen a fait l'objet d'un appel d'offres et devrait voir le jour au cours de la prochaine année. Saguenay a inclus (enfin) dans ce projet l'aménagement d'une passerelle au-dessus du boulevard Saguenay, question de faire circuler en toute sécurité les piétons à partir de la zone portuaire.

Pour des motifs politiques, Saguenay n'a jamais osé préciser où se trouve le centre-ville! Pourtant, l'hôtel de ville, le Palais de justice, la concentration de services professionnels, le nouveau dynamisme du haut de la rue principale et la présence, aux alentours, de l'hôpital régional, d'une université de 6000 étudiants et d'un cégep, sans oublier la place forte que constitue la zone portuaire, sont autant d'éléments qui confirment la vocation de centre-ville,

La stratégie de Saguenay a consisté à investir des sommes considérables dans les autres pôles, comme La Baie (quai de croisière, village touristique et promenade du parc Mars) et Jonquière (centre-ville Kénogami, bibliothèque, l'aménagement des coins Saint-Hubert et boulevard Harvey). L'urgence le commandait et le centre-ville de Chicoutimi, malgré tout, se portait mieux en raison de la force de ses institutions.

Les efforts de Saguenay, qui passent par l'utilisation des taxes des contribuables, devraient, dorénavant, faire réfléchir les élus sur l'urbanisme et les tendances qui nous viennent des États-Unis pour la plupart. Il est concevable que les élus des années 60 et 70 aient manqué de recul pour bien gérer l'irrésistible mode venue du sud avec ses grandes surfaces, ses centres commerciaux et ses enseignes clinquantes, mais en 2012, il n'y a plus d'excuses.

Erreur du passé

Les plus âgés se souviennent avec désolation de la vitesse avec laquelle les centres-villes se sont vidés au profit des secteurs commerciaux et des conséquences majeures et coûteuses qui s'en sont suivies. Si seulement, à l'époque, l'aménagement avait été mieux encadré et si les élus s'étaient donné des critères d'accommodement en fonction de la pérennité des vieux secteurs en confirmant des vocations spécifiques, ils ne seraient pas aux prises avec la situation actuelle. On ne peut pas refaire l'histoire, mais on peut éviter de la répéter.

Le sujet des investissements municipaux crée de sempiternelles tensions. À éplucher les lettres d'opinion que Le Quotidien publie, le constat est simple et clair: les guerres de clocher se poursuivent et l'unité entre les anciens secteurs n'a pas la même résonnance pour tout le monde. Il faut comprendre les citoyens, qui, avant tout, développent un sentiment d'appartenance avec leur milieu immédiat et qui se sentent moins confortables dans un grand ensemble. Certes, chez les autorités, on a compris ça, toutefois, cela ne constitue pas une raison valable pour ne pas prendre des décisions courageuses quand le moment le commande.