Les délires d'Akakia

jeudi, septembre 16, 2010

Lettre aux Saguenéens / Une démocratie qui carbure à l'eau de vaisselle

Cette société avance sur le pilote automatique. Fédéral, provincial, municipal, Abibiti Bowater qui se flatte aujourd'hui d'avoir évité la faillite, c'est du pareil au même. Le système domine sur tout et n'a plus besoin de personne. Le premier ministre Harper est convaincu qu'il est indispensable et ne respecte même plus la Constitution canadienne. Le premier ministre Jean Charest ne s'indispose pas du tout d'avoir perdu sa crédibilité et la confiance citoyenne, et il continue de brader la province aux forces vulgaires et aux intérêts qui le maintiennent au pouvoir. Et le maire de Saguenay, Jean Tremblay, persiste et signe dans son autosatisfaction ; hors de lui point de salut à Saguenay !

Ce dernier, à qui nous devons cependant quelques bons coups passés (quai d'escale, centrales hydroélectriques de la rivière Chicoutimi et quelques autres), a duré plus longtemps qu'il ne l'avait lui-même prévu. Il est rendu là où se trouvait le maire sortant, Ulric Blackburn, lorsqu'il l'a poussé dehors de l'hôtel de ville. Je me souviens du débat contradictoire du 27 octobre 1997, dans le sous-sol de l'église Saint-Antoine. Il se confrontait au maire sortant, en présence de deux autres candidats. J'y étais et je me désespérais au micro ! Il avait dit à l'assistance que le maire Blackburn devait quitter la scène politique parce que, selon lui, il avait passé son temps. Il soutenait alors qu'un maire ne devait jamais rester plus de deux mandats à l'hôtel de ville. 

C'était une bonne pensée : le premier mandat, disait-il, pour énoncer ses politiques ; le second pour les réaliser. Nous trouvions tous le deal fort invitant ! Plusieurs l'ont cru ! Treize ans plus tard, le petit homme en est rendu à son cinquième mandat. L'hôtel de ville de Saguenay marche au pas et à l'oeil parce que les échevins manquent de caractère et parce qu'ils acceptent de servir dans un semblant de démocratie qui carbure à l'eau de vaisselle. Ils n'ont plus de solution à nous proposer et font désormais partie du problème. Ils s'accrochent les uns aux autres et s'agrippent sur les parois du régime, et gare à celui ou celle qui va tenter de les mettre à mal. La peur a envahi la cité comme la mauvaise herbe dans un pré banal laissé à l'abandon par les censitaires. 

***

Et je n'ai pas parlé d'Abitibi-Bowater, a qui on vient de donner un délai pour racler les fonds de tiroirs dans lesquels il reste quelques miettes. Ici, le seul souci des actionnaires, est de prendre tout ce qu'ils peuvent... pendant qu'ils le peuvent encore ! L'industrie forestière s'est effondrée au cours de la dernière décennie, même un aveugle le verrait, mais les politiciens persistent encore à parler d'une crise ! C'est perpétuer le mensonge dans l'hypocrisie ! Le fait est que, si nous avions laissé les forces du capitalisme jouer comme on nous l'a toujours prêché, nous serions en train de reconstruire l'industrie forestière sur de nouvelles bases et il y aurait déjà de premières petites victoires. La population n'a pas encore compris que les structures qui ont créé l'effondrement de l'industrie forestière au Saguenay–Lac-Saint sont encore en place et que ce qui a survécu à l'hécatombe est déjà condamné. Leur dire le contraire et établir la réalité les mettraient dans tous leurs états. Les politiciens le savent, alors ils disent à leurs administrés seulement ce qu'ils veulent entendre et ce qui ne nuira pas à leur réélection.

Les politiciens se plaignent d'être les mal aimés de notre époque. Le mépris et le cynisme des citoyens, c'est tout ce qu'ils méritent, mais il faut avouer aussi du même coup que nous ne l'avons pas volé. Notre génération, celle des baby boumers, ne pense plus qu'à sa retraite, et celle que nous avons mis au monde attend le moment de nous faire passer de vie à trépas. Allez au centre d'achat, ils sont là par groupes de cinq, dix voire quinze avec leur verre de café à la main, les visages bien cirés et gros de lard, vieillards avant l'heure à 58 ans en train de refaire le monde entre eux, en train de regarder leurs livrets de caisse et voir s'ils ne pourraient pas tirer encore un peu plus sur la couverte qui les étouffe. Ils sont contents d'eux-mêmes et tout ce qu'ils veulent c'est de passer un mois ou deux dans le Sud. Le monde peut bien crever, pourvu qu'ils ne soient pas du lot.

Dans ces circonstances, où il n'y a que la voix d'un seul pour s'objecter à la dérive des politiciens et aux coups fourrés du système, il n'y a rien de possible. Le changement ne peut se faire sur une base positive que si le groupe demande, s'implique et se morfond pour l'obtenir. Cette société là est en train de mourir et elle s'en fiche. Je regrette de devoir le dire : j'ai perdu mon temps. J'ai crié dans le vide pendant plus de trente ans. La descente continue et je commence à manquer de force...

Ne m'en veuillez pas si vous me voyez de moins en moins dans l'espace publique. Je suis en train de perdre mes dernières illusions...

Akakia