samedi, janvier 06, 2007

Nouvelle politique forestière du Québec – Où le jeu de qui perd gagne !

Lettre ouverte à l'éditorialiste du journal «Le Quotidien»,
en réaction à son commentaire de ce 6 janvier 2007,
titré : « Industrie forestière : innover pour survivre »


Chicoutimi, le 6 janvier 2007

Bonjour Carol.
J'ai évidemment lu avec beaucoup d'intérêt ton éditorial paru ce matin dans « Le Quotidien ». Ce mot n'a rien d'une critique, mais se veut plutôt l'expression d'un questionnement personnel que je te soumets à toi, à tes lecteurs et aux miens qui parcourent « Les délires d'Akakia ».

Tu écris donc ce matin : « Pour une fois, le Saguenay–Lac-Saint-Jean a été « épargné ». La capacité de coupe est passée de 20% à 18%, alors que les observateurs s'attendaient plutôt à ce qu'elle atteigne 35%. C'est la Côte-Nord qui écope. »

Voilà plutôt ce que je pense, après toute la réflexion et l'analyse des documents qui ont mené à la publication de mon livre, en 2004, « Annales de l'industrie forestière au Saguenay–Lac-Saint-Jean (1945-2000 ». Notre belle et grande région n'a pas été épargnée ; elle a été radicalement mise à contribution ! Et les seuls qui vont en bénéficier chez nous, sont les détenteurs de caffs et les petits investisseurs, sans alternatives, coincés avec la dette de leur machinerie forestière. Ces derniers (les petits investisseurs) ne sont pas coupables, ils sont victimes.

Avant l'annonce de cette politique, notre région produisait 25% de la matière ligneuse commerciale utilisée dans tout le Québec, pour 16% de la forêt publique commerciale. Si notre pouvoir de coupe a été, toutes proportions gardées, moins affecté que le reste du Québec et que nous continuons toujours à perdre usines et emplois dans cette industrie particulièrement démolie (irrémédiablement démolie !), c'est donc que nous produisons d'avantage de matière brute compte tenu de l'ensemble du potentiel québécois, pour obtenir moins de retombées et dans l'unique perspective de combler les besoins nationaux accouplés à ceux de quelques usines qui ne sont pas nécessairement établies chez nous. 

Ou va tout ce bois ? Où sont localisées géographiquement ces usines ? Certainement pas au Saguenay et au Lac-Saint-Jean, puisqu'elles ferment l'une après l'autre ?!

Cela étant, qu'arrivera-t-il à l'industrie forestière du Saguenay–Lac-Saint-Jean, dans dix ans, dans quinze ans, dans vingt ans, lorsque les structures fondamentales de cette économie auront été corrigées pour le bien commun national ? Que nous arrivera-t-il lorsque les autres régions du Québec, fortes de la croissance de leurs forêts laissées jusqu'alors en repos, se seront remises à produire alors que nos forêts, sacrifiées sur l'autel des grands intérêts qui nous échappent, auront été davantage sollicités ? Qui seront les gagnants, les grands ? Les perdants ?

Je n'ai pas de réponse. Que des craintes. Et plus je vois se déballer les annonces publiques qu'on nous présente comme des petites « victoires » régionales, plus je me questionne pour notre suite, pour notre propre prospérité, pour notre survie...

Russel Bouchard